Mon histoire: Bruno

Ne pas esquiver les coups, mais mieux apprendre à les encaisser.

Selon Bruno Demuynck, souffrant d'un cancer de la plèvre, c'est le principe même de la vie.

Marathons, virées à vélo sexigeantes, et même une ironman. Bruno Demuynck ne reculait devant aucun, challenge sportif. Mais en 2018, son corps a commencé à montrer des signes de faiblesse. "Le cancer de la plèvre m'a obligé à m'arrêter. Au propre comme au figuré." Bruno avait alors 45 ans. Les médecins estimaient à 20 % ses chances de fêter ses 50 ans.

"Je me sentais en pleine forme, et pourtant, j'étais gravement malade. Cancer. Et incurable de surcroît. Comment était-ce possible ? J'étais en excellente forme, je mangeais sainement et je buvais très peu d'alcool. J'avais adopté ce mode de vie strict, car j'étais un sportif passionné. Je courais des marathons et aimais les randonnées à vélo exigeantes, tant en distance qu'en dénivelé. Avant mon diagnostic, j'avais même participé à l'ironman de Floride."

"En 2018, j'avais prévu un voyage à vélo au Vietnam. Pour me préparer, je suis allé à Majorque avec quelques amis, en mai de cette année-là. Nous faisions plus de 200 kilomètres par jour. Je suivais facilement le rythme. Mais un matin, alors que je partais courir, j'avais du mal à avancer. Je pensais que c'était la fatigue de la balade à vélo de la veille qui m'affectait. Comme j'avais également mal au dos, je suis allé voir un chiropraticien à mon retour. Il a remarqué une éruption cutanée sur ma poitrine et m'a voyé à l' un hôpital. C'est là que, les médecins ont découvert que j'avais six litres d'eau dans les poumons et une tumeur sur la plèvre."

Sans ambages

"J'avais un cancer de la plèvre, aussi appelé cancer de l'amiante. À ma connaissance, je n'avais jamais été en contact avec de l'amiante. Mais les médecins m'ont informé qu'il n'était pas nécessaire de travailler dans la construction pour développer cette maladie. Inhaler par accident une fibre d'amiante peut suffire pour développer un cancer de la plèvre des années plus tard."

"Après le diagnostic, j'ai commencé à lire des articles scientifiques sur le cancer de la plèvre. On réalise rapidement la gravité de la situation. Les médecins ne ménageaient pas leurs mots non plus. Grâce à ma bonne condition physique, j'ai pu être opéré. Mais même avec une intervention, j'avais seulement 20 % de chances de vivre encore plus de cinq ans. C'était dur à entendre. Heureusement, je connaissais quelqu'un qui vivait avec un cancer de la plèvre depuis douze ans. Son histoire m'a donné de l'espoir."

"Après le diagnostic, j'ai immédiatement commencé une chimiothérapie pour réduire la taille de la tumeur. Trois mois plus tard, j'ai été opéré. Le chirurgien a retiré ma plèvre et, par précaution, un de mes poumons. Il a également retiré mon diaphragme ,et l'a remplacé par une membrane en gore-tex. Je pensais que ce matériau servait uniquement, aux vêtements de trekking. Il a également enlevé quelques côtes pour mieux accéder aux poumons. Malgré la gravité de l'opération, ma convalescence a été rapide."

Espérer ou croire

Malheureusement, j'ai rechuté un an et demi plus tard. Radiothérapie, thérapie systémique, immunothérapie, chimiothérapie : j'ai tout subi. Ces traitements sont d'ailleurs toujours nécessaires, maintenant et à l'avenir, car il est impossible de me guérir. Pourtant, je reste optimiste.

Je crois en la science et suis convaincu que de nouveaux médicaments toujours plus efficaces feront leur apparition et m'aideront à aller de l'avant.

Parfois, les gens me disent : "Tu ne mérites pas ça". Et ils ont raison, mais qui mérite une telle maladie ? Personne, n'est-ce pas ? Je ne suis pas rancunier. Je suis bien entouré par une famille qui me soutient et j'ai des parents et une belle-mère qui sont très présents et m'aident. C'est grâce à cet entourage que je suis parvenu à surmonter cette mauvaise nouvelle assez rapidement.

Je veux affronter ma maladie avec positivité. Je le dois à ma femme, mes trois enfants et à tous ceux que j'aime.

A mon avis, c'est d'ailleurs là le principe même de la vie : ne pas esquiver les coups, mais apprendre à les mieux les encaisser. Malgré ma maladie, je veux rester le Bruno positif et enthousiaste que j'ai toujours été. Je suis également convaincu que je serai l'exception, celui chez qui les tumeurs finiront par disparaître. J'y crois fermement. Il est insupportable de vivre constamment avec l'idée que l'on pourrait ne plus être là dans quelques mois. Ce serait aussi insupportable pour mon entourage.

C'est pourquoi je ne pense pas que les médecins devraient éviter devraient d'annoncer des pronostics de survie. Je connais maintenant de nombreuses personnes pour qui ces prédictions étaient faussesne sont pas devenues réalité.

L'évolution de ma vie

Mon travail m'a également beaucoup aidé ces cinq dernières années. Je suis le directeur d'une entreprise de meubles et j'ai 45 personnes sous ma responsabilité. Étant indépendant, je peux décider des moments où je veux travailler. Après mon opération, j'ai été absent pendant six semaines. C'était déjà long pour moi. Mon travail est ma passion. Le fait d'avoir pu continuer à travailler ces cinq dernières années m'a donné le sentiment d'avoir toujours ma place dans la société. De plus, cela m'a permis de me changer les idées et de ne pas continuellement broyer du noir. »

"Est-ce que je rumine ? Oui, parfois. Surtout la nuit, je peux être envahi par des pensées sombres. Quand cela arrive, je me lève et note mes préoccupations. À la fois pPour moi et , pour mettre les choses en perspective. C'est une sorte de démarche thérapeutique. Je n'avais jamais eu l'intention de partager ces écrits. Mais après un moment, je me suis demandé si d'autres personnes pourraient bénéficier de mon histoire. Après tout, n'avais-je pas lu les livres du cycliste Lance Armstrong et du décathlonien Thomas Van der Plaetsen sur leurs cancers juste après mon diagnostic ?"

"Un jour, j'ai rencontré un ghostwriter, et l'idée de transformer mon histoire en livre s'est faite plus précise. Notre but n'était pas simplement de rapporter des faits, mais d'écrire de la fiction. Je lui ai raconté les faits et il les a transformés de manière créative. C'est devenu une histoire sur la course, sur l'entrepreneuariat, sur la vie et sur l'impact du cancer. Avec un message important : ne vous contentez pas d'espérer, car cela implique trop de doutes. Mais croyez-y. Fermement."

L'ancien Bruno

"Ceux qui ne me connaissent pas ne voient pas que je suis malade. Heureusement. Je ne veux pas être perçu comme un patient pour le reste de ma vie. Pourtant, ma vie a beaucoup changé après le diagnostic. Surtout physiquement, : il ne reste pas grand-chose de l'ancien Bruno. Avec un seul poumon, je ne peux plus courir ou faire du vélo. Pourtant, le sport reste important. Mes fils jouent au football et je suis leur plus grand fan. Puisqu'on m'a retiré des côtes, je marche un peu de travers et cette posture affecte le reste de mon corps. Je consulte donc souvent un kinésithérapeute. De plus, je ressens souvent de la fatigue à cause des nombreux traitements."

"Il ne faut pas sous-estimer l'impact mental du cancer sur le corps. L'anxiété avant un examen médical, mais aussi le soulagement quand les résultats sont bons. Ce que je trouve surtout frustrant avec cette maladie, c'est qu'on ne peut pas faire grand-chose par soi-même. Dans le sport ou au travail, c'est différent. Si vous voulez courir plus vite lors d'un marathon, vous vous entraînez davantage. Si vous voulez que votre entreprise prospère, vous travaillez plus dur. Face au cancer, vous êtes impuissant."

Un chapitre difficile

"J'ai aussi changé en tant que personne. Avant, j'étais hyperactif. J'aimais les défis et je passais d'un projet à l'autre en un éclair. Mais maintenant, je suis devenu beaucoup plus prudent dans mes projets. La question se pose inévitablement : serai-je encore capable de mener à bien ce projet ? Serai-je

encore là quand il commencera ou se terminera?"

Cela fait maintenant cinq ans que je suis malade. Statistiquement, je fais partie des 20 % de personnes qui sont encore en vie après cinq ans. Lorsque je repense à cette période, je ressens de la gratitude. Je suis devenu plus calme, je prends plus de temps pour réfléchir. Par nécessité. Mais cela me fait vivre plus consciemment. Je sais qui sont les personnes importantes pour moi et j'apprécie davantage les petites choses de la vie.

Dans un livre de cent chapitres, un chapitre difficile rend les autres encore plus beaux. C'est un peu mon expérience.

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